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KHÂGNE ÉTUDES THÉÂTRALES 2019-2020

Publication : (actualisé le ) par Julien Dieudonné

Bibliographie KH « ÉTUDES THÉÂTRALES » 2019-2020

a) Première question : « Théâtre et émotions »

1. Qu’est-ce qu’une émotion ? Approche psychologique, sociologique et anthropologique de l’émotion.

Despret Vincianne, Ces émotions qui nous fabriquent : ethnopsychologie des émotions, Les Empêcheurs de penser en rond, 2001. Une remise en perspective salutaire de nos représentations des émotions, de leur valeur et de leurs fonctions par le détour de l’ethnologie.

Didi Huberman Georges, Quelle émotion ! Quelle émotion ?, collection « Les petites conférences », Bayard, 2013. Une conférence destinée mais pas réservée aux enfants où Didi Huberman revient sur les photographies commandées par Charles Darwin pour illustrer L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux. Modeste mais puissant.

Didi Huberman, Georges, Peuples en larmes, peuples en armes : L’Oeil de l’Histoire, 6, Minuit, collection « Paradoxe », 2016. Une réflexion d’une profondeur et d’une sensibilité inouïe sur le pathos qui part d’Eisenstein et passe par Barthes pour tenter de réhabiliter une puissance de soulèvement de la larme. Magistral.

Rancière Jacques, Le Partage du sensible (2000) et Le Spectateur émancipé (2008), La Fabrique éditions. Deux livres majeurs sur la manière de la littérature, de l’art et du théâtre de croiser esthétique et politique en redistribuant les frontières du sensible.

2. Les émotions et le théâtre

Pour une approche historique :

Antiquité
Florence Dupont, Aristote ou Le Vampire du théâtre occidental, Aubier, « Libelles », 2001. C’est un livre polémique et discutable, mais roboratif, qui défend une idée ludique et spectaculaire du théâtre antique, qui fait la part belle au spectacle des émotions.
Loraux Nicole, La Voix endeuillée : essai sur la tragédie grecque, Gallimard, NRF essais, 1999. Un essai fondateur et iconoclaste qui bat en brèche l’hypothèse défendue par Vidal-Naquet ou de Romilly d’une tragédie politique et civique. Le spectacle tragique devient un rituel de deuil articulé autour de la dépense émotionnelle.

XVIIème siècle
Guyot Sylvaine et Thouret Clotilde, « Des émotions en chaîne : représentation théâtrale et circulation publique des affects au XVIIe siècle », revue Littératures classiques, n° 68, 2009, p. 225-241. Un article tonique sur le théâtre comme laboratoire d’une pensée des émotions publiques et de leur action politique, éthique et culturelle.

Hamou Philippe, « Descartes : le théâtre des passions », revue Études Epistémè. Un point salutaire sur la manière dont le Traité des passions peut éclairer l’esthétique et l’éthique de l’émotion théâtrale au XVIIème siècle.

XVIIIe siècle
Vincent-Buffault Anne, Histoire des larmes, Petite bibliothèque Payot, 2001. Une approche historique de l’émotion lacrymale au XVIIIe et XIXe siècles. Lire notamment première partie, chapitre 4 : « Les larmes au théâtre » et IIIe partie, chapitre 5 : « Les Infortunes du mélodrame ».

Mesnil Alain, Diderot et le drame : théâtre et politique, P.U.F., 1995. Le point sur la révolution dramaturgie de Diderot et sa pensée de l’action politique et morale des émotions dramatiques.

XIXe siècle :
Pellois Anne, « Donner à voir le fond de l’âme », L’oeil et le théâtre, Revue Études théâtrales, n° 65, 2016. Un article de la plume de la co-directrice des études théâtrales de l’ENS de Lyon sur la mutation du jeu scénique dans son expression des émotions à la fin du XIXe siècle.

XXIème siècle
Revue Outrescène : « Pouvoirs de l’émotion », juin 2008, TNS

Pour une approche théorique :

Aristote, Poétique, texte, traduction et notes par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Seuil, 1980, collection Poétique. Impossible d’échapper à une (re)lecture de la Bible des études théâtrales. L’édition indiquée est chère (elle est au CDI), mais elle permet de faire le point sur les concepts essentiels de pathos/pathètikos, de katharsis, d’ethos, de geloios, d’eleos/eleeinos, de kommos, d’hèdoné, de peripeteia, de miaron, d’ergon, de phobos/phoberon, de philanthrôpon, de teratôdes, de thaumaston, d’ekplèxis, d’einos, etc.

Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, Folio essais, 1985. Il est nécessaire de connaître et de maitriser les conceptions artaudiennes, contre la théâtralité du texte et de la raison dialoguée, du théâtre comme peste, de la poétique de la cruauté comme moyen de faire pénétrer la métaphysique par la peau.

Barthes, Roland, Écrits sur le théâtre, Points, Seuil, 2002. Sur la question des larmes dans la tragédie antique comme sur la critique des émotions dans le théâtre de Brecht : incontournable.

Brecht Bertolt, Petit organon sur le théâtre, L’Arche. Le concept de distanciation introduit une rupture fondamentale dans le statut de l’émotion au théâtre.

Bertolt Brecht, « La Théâtralité du fascisme », « Wolf Brecht », « Conflit », « Théâtre école d’émotions », « Quelques opinions erronées sur le Berliner Ensemble », « Deux manières de jouer Mère Courage », « Point de vue rationnel et point de vue émotionnel » Il faut compléter la lecture du Petit organon par celle d’articles parmi les plus importants de Brecht. Vous les trouverez en bibliothèque dans ses Ecrits sur le théâtre dans l’édition de la Pléiade.

Brook Peter, L’Espace vide, Seuil, Points, 2018. Un classique. Une réflexion sur les conditions de production de l’émotion collective propre à l’assemblée théâtrale.

Craig Edward Gordon, De l’art du théâtre, Circé/« Penser le théâtre », 1998. En développant la notion de Surmarionnette, Craig propose l’utopie provocatrice d’un théâtre sans acteur, délivré du sentimentalisme et de l’émotivité du comédien qui empêcherait le théâtre de se réaliser artistiquement.

Diderot Denis, Le Paradoxe sur le comédien, GF, 1995. Avant Brecht, Diderot questionne le lien émotionnel entre l’acteur et son personnage et dispute du rapport entre la nature de ce lien et l’effet émotionnel du théâtre sur le spectateur.

Fo Dario, Le Gai savoir de l’acteur, L’Arche, 2002. Une réflexion tonique sur l’art de faire rire d’Aristophane à la commedia dell’arte et à Molière et sur l’émotion ludique propre à l’art de jouer. Un régal.
Grotowski Jerzy, Vers un théâtre pauvre, L’Âge d’homme, 2002. Le livre culte d’une expérimentation radicale des possibilités d’une théâtralité réduite à l’os et qui place les émotions archaïques au coeur de sa recherche.

Lecoq Jacques, Le Corps poétique, Actes Sud Papiers, 2016. Par le fondateur éponyme de l’école, les principes majeurs d’un enseignement de la création théâtrale fondée sur le corps et son expressivité émotionnelle spécifique. Décisif.

Novarina Valère, Lumières du corps, P.O.L., 2006. Un essai lyrique sur la secrète puissance émotionnelle du langage et les manières de la convoquer et de la provoquer. Enthousiasmant.

Rivière, Jean-Louis, Comment est la nuit ?, 2002 et Le Monde en détails, 2015, Librairie du XXème siècle. Deux recueils d’essais parfois minuscules (dans le deuxième recueil), mais d’une alacrité de pensée toujours aiguë par l’ancien directeur du département d’études théâtrales de l’ENS Lyon.

Stanislavski Constantin, La Formation de l’acteur et La Construction du personnage, Livre de poche, 2015. Deux autres grands classiques sur le rapport émotionnel entre l’acteur et le personnage, puis sur la mise en forme perceptible de ce rapport : la voie de l’éprouvé ouverte par Stanislavski a révolutionné l’art de l’acteur.

b) Deuxième question :

 Edward Bond, Pièces de guerre, texte français, Michel Vittoz, Paris, l’Arche, 1994, ISBN : 9782851813358 (br.).

La référence est incomplète et approximative. Notez bien que l’oeuvre est une trilogie éditée en deux tomes :
Premier tome : I. Rouge noir et ignorant II. La Furie des Nantis
Second tome : III. Grande paix

De Bond, outre la trilogie au programme, lire (tous ses textes sont édités à L’Arche) :
Le Crime du XXIème siècle, Café, Dans la compagnie des hommes

Lire aussi d’autres « pièces de guerre » avec lesquelles celles de Bond n’hésitent pas à dialoguer
Eschyle, Les Perses, la trilogie L’Orestie, Les Suppliantes (L’Arche)
William Shakespeare, la trilogie Henry VI, Le Roi Lear
Bertolt Brecht, Grand Peur et misère du IIIe Reich, Mère Courage et ses enfants, La Décision

De/Sur Bond :
A l’instar de Brecht, Bond a lui-même théorisé sa dramaturgie et fabriqué des concepts-clefs : « l’innocence radicale », « le temps-accident », « l’objet invisible », « l’événement de théâtre », etc. Il est impératif de les maîtriser.
Commentaires sur les Pièces de guerre et le Paradoxe de la paix, L’Arche, 1995
L’Énergie du sens : lettres, poèmes et essais, Climat/maison Antoine Vitez, 2000
La Trame cachée, L’Arche, 2003
Entretiens avec David Tuaillon, Archambaud, Les Belles Lettres, 2013

Sur Bond :
Des numéros de revue consacrés à son oeuvre :
Théâtre/Public : Edward Bond, n° 111, mai-juin 1993.
Mouvement : Edward Bond, dramaturge de l’inhumanité, n° 11, janvier-mars 2001

Des ouvrages théoriques consacrent une part importante à la dramaturgie de Bond en le mettant en perspective :

David Lescot, Dramaturgies de la guerre, Circé/« Penser le théâtre », 2001.

Florence Naugrette, Paysages dévastés : le théâtre et le sens de l’humain, Circé/« Penser le théâtre », 2004.

Texte critique apparié aux Pièces de guerre et faisant partie intégrante du programme de la deuxième question :

Jean-Pierre Sarrazac, Poétique du drame moderne : de Henrik Ibsen à Bernard-Marie Koltès, Paris, Éditions du Seuil, 2012, ISBN : 9782021054200 (br.).

Le livre du professeur émérite d’études théâtrales à l’Université Paris III -Sorbonne Nouvelle, héritier de Bernard Dort, directeur de la précieuse collection « Penser le théâtre » aux éditions Circé, fait partie d’une réflexion plus large sur les mutations de l’écriture et des scènes théâtrales au vingtième siècle ; elle s’articule autour des concepts de rhapsodie et de drame-de-la-vie.

Il est bon de reconstituer le mouvement de cette pensée en lisant trois autres essais de Sarrazac :

L’Avenir du drame (1983, réédition Circé/Poche, 1999)
Critique du théâtre. De l’utopie au désenchantement, Circé/« Penser le théâtre », 2000
Critique du théâtre 2. Du moderne au contemporain, et retour, Circé, 2015.

Cette réflexion dialogue de manière polémique avec celle d’Hans-Thies Lehman dans Le Théâtre post-dramatique (L’Arche, 2002), dont il est impossible de faire l’économie de la lecture.

Bel été à tou(te)s !